Home > Newsletter > No. 22 > Alumni and Prof.'s on the Internet

On the Internet, Class of 1985: Gabriel Sylla

FROM: Regroupement Général des Sénégalais du Canada (RGSC)

Entrevue avec Monsieur Gabriel Sylla

Lorsqu’on pense « Gabriel Sylla », on pense « Karaté ». Cet athlète est un vrai passionné de son art. Il en vit, il en mange, il en rêve. Gabriel a une feuille de route très impressionnante. Il a beaucoup vécu malgré son jeune âge et il a fait son chemin avec un parcours fascinant. Il s’est forgé une place plus qu’enviable à force de persévérance, de sacrifice, d’efforts et de courage. Les honneurs, les médailles, les trophées, ouf!

Justement, nous le laisserons nous parler de cette dernière compétition qu’il vient tout juste de remporter avec une magnifique médaille d’or!! Toutes nos félicitations Gabriel!!

Les gens qui l’ont connus et rencontrés l’apprécient et l’estiment beaucoup. Il est une fierté et un modèle à suivre. Beaucoup se sentent encouragés par lui, tel qu’on le perçoit dans les nombreux commentaires que l’on peut lire dans le livre d’or de son super site web www.gabrielsylla.com que nous vous invitons à visiter.

Et que dire de ses nombreux autres talents (tel que celui de mannequin de défilés de mode, musiciens, etc.) dont il nous fera certainement part dans l’entrevue?

Gabriel Sylla, merci infiniment de bien vouloir répondre « À cœur ouvert » à nos nombreuses questions afin de nous permettre de mieux vous connaître et partager votre expérience avec vos frères et sœurs sénégalais et sénégalophiles. Nous savons qu’il n’est pas toujours facile de se livrer à cœur ouvert devant un public si nombreux, mais quelle joie de pouvoir partager son expérience personnelle de vie et de permettre à la communauté sénégalaise de se connaître mieux!

RGSC : Racontez-nous un peu votre vie au Sénégal. Avez-vous voyagé avant d’arriver au Canada?

Je suis né au Maroc, car mon père était ambassadeur du Sénégal auprès du Roi Hassan II. Après trois ans au Maroc, ma famille a déménagé en Éthiopie à l’époque de Haile Selasie et l’OUA.
Ensuite, mon père a été nommé directeur de cabinet au Ministère des affaires étrangères à Dakar de 1971 à 1979. Ce sont des années marquantes pour moi, car c’est là que j’ai pu vraiment intégrer ma culture. « J’ai pu me rouler dans la poussière », apprendre le wolof, grandir avec mes cousins, cousines, bien connaître ma famille et mes origines, j’ai appris qui j’étais.

Au niveau du primaire j’ai fréquenté l’école Fann et au secondaire j’étais au Lycée d’application de l’école normale supérieure. C’est au Sénégal aussi que j’ai commencé le karaté auprès de Maître Nunez, un des pionniers du karaté sénégalais. En 1979, mon père a obtenu un poste aux Nations Unies jusqu’en 1986 année où il a pris sa retraite.

RGSC : Quel fut votre cheminement pour arriver au Canada?

Quand j’étais à NY au lycée Français, on recevait des brochures du HEC, Laval, et de l’Université de Montréal. J’avais un cousin aussi (Lamine Diop) qui venait en vacances chez nous et c’est lui qui m’a donné le goût après mon BAC de venir à Montréal pour poursuivre mes études universitaires.

RGSC : Quand êtes-vous arrivé au Canada et comment s'est passée cette arrivée?

Je suis arrive au mois de septembre 1985, après avoir passé de superbes vacances à Dakar. À l’aéroport ce fut un choc, car mon oreille n’était pas habitué à l’accent québécois que je trouve tout à fait charmant, et je me suis rendu compte qu’ici, c’est moi qui avait un accent. J’ai eu de la difficulté à comprendre. Mon chauffeur de taxi qui parlait joual et qui était très bavard! C’était mon premier choc culturel. Ensuite le lendemain, je suis aller m’inscrire à l’Université de Montréal où j’ai fait mon BAC en économie.

RGSC : Le Québec : quelles sont vos impressions?

J’aime beaucoup le Québec et les Québécois que je trouve simples et spontanés. Ils sont également pour la plupart d’entre eux, ouverts à nos cultures et veulent en savoir plus sur nous. J’ai beaucoup voyagé à travers la province grâce à mon domaine d’expertise et j’ai trouvé qu’en région, les gens sont encore plus chaleureux et conviviaux. J’ai été invité à goûter du caribou, de l’original, manger dans des cabanes à sucre, danser la gigue, etc.… C’est vraiment la belle province dans tous les sens du terme, car j’ai fait toutes les autres provinces du Canada aussi et je suis fier d’être du Québec. J ai eu l’honneur de représenter la belle province plusieurs fois au Championnat National de karaté contre les champions des autres provinces et cela accentue le sentiment d appartenance.

RGSC : Pourriez-vous nous présenter votre famille?

Mon père s’appelle Youssouf Sylla, ex-diplomate. Il est d’origine Lebou. Demi-frère de l’Imam de la grande mosquée de Dakara Maodo Sylla. Il est à la retraite au Sénégal en ce moment. Ma mère s’appelle Lika Dia, ex-sage femme et esthéticienne. Elle est d’origine Peul de son père et sa mère était la fille de Wagane Diouf, le premier maire de la ville de Dakar. J’ai deux sœurs, une plus vieille qui vit aux États-unis et l’autre plus jeune qui est au Sénégal. J’ai un frère plus vieux qui vit également aux États-unis. Au moment où cette entrevue sera publiée, je serai marié Inch Allah à Émilie Desmond qui est d’origine Française. J’espère avoir au moins deux ou trois enfants. J’estime que l’avenir appartient au métissage (culturel et autre).

RGSC : Quel est votre domaine professionnel?

Je suis athlète de haut niveau (champion canadien 2005 en combat) et entraîneur adjoint de l’équipe du Québec de karaté 2005. Je fais parti de l’élite de mon sport depuis 1994. Je suis également entraîneur personnel en conditionnement physique. J’enseigne le karaté également en tant qu’activité parascolaire aux jeunes de l’école primaire. Je suis dans 9 écoles différentes et je vois en moyenne 150 enfants par semaine. J ai eu une formation en gestion (HEC) et en économie (Université de Montréal), mais j’ai décidé d’œuvrer dans ce que je fais de mieux et ce qui est ma passion, le karaté. (Vous pouvez visiter mon site web pour des programmes de mise en forme et autres : www.gabrielsylla.com

J'ai eu l’honneur de préparer physiquement ma compatriote Yaye Ami Seck, championne du monde junior en 1996 pour les derniers jeux africains. Elle vie au Québec depuis quelques années. Je partage ma passion du karaté avec cette formidable combattante qui aurait dû faire partie de l’équipe du Québec 2005, qui est partie à Halifax pour le championnat Canadien, mais faute de temps (études), elle n a pas pu participer. Mais elle n’a pas dit son dernier mot, et elle peut toujours compter sur moi.

RGSC : SVP, décrivez-nous votre cheminement sportif

Beaucoup de gens ne le savent pas, mais ma vue est réduite à 95% dans un de mes yeux (je souffre d’Amblyopie). Cela ne m'a pas empêché d'avoir de la réussite dans des compétitions de haut niveau. J’ai commencé le karaté à l’âge de 9 ans au Sénégal avec Sensei Nunez qui est le plus grand maître au Sénégal. Aujourd’hui il est 8ième dan.

Mes parents m’ont inscrit au karaté parce que j’étais timide, maigre et je manquais de confiance en moi. Mon frère aîné était champion de judo et plus tard, champion d’athlétisme. Personnellement, je voulais être comme lui. J’ai donc pratiqué avec maître Nunez de 1974 à 1979, année où mon père a été nommé aux Nations Unies à New York. J’ai fait juste un an de karaté, car il n’y avait pas d’école de « Shotokan » (style de karaté traditionnel japonais pratiqué par maître Nunez). Donc, j’ai fait du « Gojo ryu » (autre style japonais) pendant un an et j’ai arrête le karaté par la suite pendant 11 ans.

Je suis arrivé au Canada pour des études supérieures en gestion et j'ai repris le karaté seulement en 1992, grâce à deux amis sénégalais, Abdou Khadre Kounta (champion du Sénégal et champion d'Afrique à l'époque) et Mamadou Diop (champion universitaire à l'époque) qui m'a vu dans la salle de musculation de l'université et qui m'a donné une fiche d'inscription pour une compétition. Ce sera peut-être le déclic. J'y suis allé sans entraînement et je ne me suis arrêté qu’en demi finale. À partir de ce moment, la piqûre est revenue et je suis sur les « tatamis » depuis ce jour-là. J’ai repris la compétition à l âge de 27 ans (ce qui est considéré comme un âge avancé dans le sport de haut niveau). J’ai persévéré, et j’ai gagné des médailles en karaté traditionnel (itkf) et sportif (wkf) à tous les niveaux (régional, provincial, national et international). En 2003, au Championnat Canadien, j’étais dans une catégorie où la moyenne d’âge était de 23 ans. Le plus jeune avait 18 ans, j’en avais 38 et j’ai fini deuxième.

Le 8 avril 2005 à Halifax, j’ai mis fin à ma carrière en beauté à 40 ans. J’ai gagné la médaille d’or au Championnat Canadien! Je suis vraiment fier de cette compétition, car j’ai sué pour avoir chaque victoire dont la dernière en prolongation. Je portais deux chapeaux pour cet événement, celui de coach (assistant) et celui d’athlète. Je vais me concentrer sur mon rôle d’entraîneur maintenant pour transmettre ce que j’ai appris à travers ces batailles.

Je n’ai jamais bu d’alcool, jamais fumé et jamais pris de drogue. J’ai toujours priorisé ma santé même quand je ne faisais pas de compétition. Ma longévité est due au fait que j’ai pu maintenir, grâce à Dieu, une bonne hygiène de vie.

Sinon, j ai été entraîné par sensei katsumata (7 ieme dan) en karaté traditionnel et par Benoit Joyal du Kobushi karaté-do pour la compétition, c’est grâce à eux que je suis un champion aujourd’hui.

Après ma victoire au Championnat Canadien j’ai été sollicité pour parler dans les écoles secondaires contre la drogue. J’ai hâte!

RGSC : Quelles sont vos idoles? Quelles personnes admirez vous profondément?

Je vais commencer par ma mère Lika Dia, car c’est l’être le plus courageux que je connaisse. Ensuite je nommerai Youssouf Sylla pour son intellect et son intégrité.

Sinon, je nommerai tout d’abord Mohamed Ali pour son combat dans le ring et dans la vie, face au racisme institutionnalisé durant les années soixante et la maladie de Parkinson qui ne l’empêche pas de continuer à aider les moins fortunés aux États-unis et à travers le monde.

Michael Jordan, car c’est l’athlète le plus incroyable que j’ai eu la chance de voir à l’œuvre. Je l’admire pour son mental à toute épreuve et sa volonté de travailler dur, il ne s est jamais juste contenté de son immense talent.

Thomas Sankara pour son message, son intégrité et ce qu’il aurait pu apporter à l’Afrique s’il n’avait pas si lâchement été tué.

Pour finir, je vais citer deux grands frères ici à Montréal, qui sont des exemples pour tous les sénégalais et les africains ici à Montréal. Il s’agit de Oumar Dioume, notre homme de sciences et de Aziz Salmone Fall, notre spécialiste en politique.

Dans mon livre à moi, ce sont des génies. En plus d’être modestes, ils n’hésitent pas à transmettre leur savoir à ceux qui veulent les écouter. Tous les africains de Montréal devraient être fiers de ces deux individus.

RGSC : Quels sont vos intérêts et passions (outre le karaté bien sûr) ? Qu'aimez-vous particulièrement?

Je suis un amateur de jazz et un grand mélomane en général, j’aime beaucoup d’autres genres de musique. Je joue de la guitare basse. Sinon, j’adore les autres sports. J’avais le choix plus jeune entre l’athlétisme et le karaté. J’aime les sports collectifs comme le basket, le football, etc.
Aussi, je suis sensible aux causes sociales, la violence gratuite et l’injustice en général.

RGSC : De quelle façon avez-vous entendu parler du RGSC et comment vous y êtes-vous intéressé?

Cela fait 20 ans que je suis au Québec, j’ai vu toutes sortes de générations passer et j’ai toujours été en contact de près ou de loin avec la communauté! Je connais beaucoup de sénégalais. Je me suis éloigné un peu pendant quelques années et je suis de retour maintenant, car je vois que le Regroupement est de plus en plus dynamique et fort. J’estime qu’il est important qu’on se réunisse comme les autres communautés ethniques du Québec pour mieux faire connaître notre culture et aider les nouveaux arrivant à s’intégrer plus facilement à la société québécoise.

RGSC : Enrichi de votre expérience personnelle, quels conseils donneriez-vous aux nouveaux arrivants?

Je leur conseille de bien s’informer sur les réalités de leur terre d’accueil via le Regroupement, les agences d’accueil et d’intégration locales, Internet et les médias locaux, pour ne pas être désillusionné. Il ne faut rien laisser au hasard, il est important de s’informer sur les équivalences de diplômes, les réalités du marché du travail et les enjeux politiques et socio-économique de la société québécoise. Il ne faut pas qu’ils hésitent à s’imprégner dans la culture québécoise, il y a beaucoup de choses à découvrir et à apprécier.

RGSC : Quel message aimeriez-vous communiquer à l’ensemble des sénégalaises et sénégalais qui sont au Canada?

On est tous, à notre niveau, des ambassadeurs de notre pays d’origine, même si on devient québécois par la suite. Je dirais donc qu’il est de notre devoir de bien représenter le Sénégal dans nos vies de tous les jours, dans nos domaines d’expertise respectifs. Je souhaiterais surtout que les plus jeunes restent sains et qu’ils se tiennent loin de toutes activités qui seraient reliées au crime et affaires louches, car les agissements des immigrants d’aujourd'hui auront un impact direct sur les chances d’acceptation au Québec des futurs immigrants. Le peuple sénégalais est un peuple talentueux, intelligent et chaleureux. C’est avec ces trois qualités qu’on doit se faire remarquer au Québec et rien de négatif dans la mesure du possible. Je citerai L.S Senghor « Chaque peuple possède sa païdeuma, c'est-à-dire sa faculté et sa manière originales d'être ému : d'être saisi. Cependant l’artiste – danseur, sculpteur, poète – ne se contente pas de revivre l'Autre ; il le recrée pour pouvoir mieux le vivre et le faire vivre. Il le recrée par le rythme, et il en fait ainsi une réalité supérieure, plus vraie, c’est à dire plus réelle que le réel factuel. » L. S. Senghor

RGSC : Parlez-nous de votre vision du Sénégal d'aujourd'hui et de demain

Il serait temps que on se « déprogramme mentalement » de la situation de dépendance économique et que l’on se base sur les modèles de développement des pays d’Asie du Sud-est par exemple. L'économie du Sénégal est en pleine croissance, mais la richesse qui en résulte n'est pas répartie également, faisant du Sénégal l'un des pays les plus pauvres du monde. Le taux de productivité est bas et les taux de chômage et de sous-emploi sont élevés, particulièrement chez les jeunes. Sa stratégie de réduction de la pauvreté constitue la base de ses programmes de coopération au développement.

Je souhaite que notre pays cesse de compter sur les programmes d’aide et de coopération au développement pour réduire la pauvreté. Ceux qui se retrouvent en position de pouvoir, (à tout les niveaux) arrêtent de s’enrichirent illicitement (politique du ventre) et commencent à trouver des stratégies efficaces pour une prospérité commune à long terme. On a le talent, la matière grise et l’expertise, mais il nous manque la discipline, la persévérance et le sens du sacrifice de soi pour le bien commun.

RGSC : Quels sont vos rêves, vos ambitions et vos projets?

Actuellement, j’ai commencé ma carrière d’entraîneur d’athlète de hauts niveaux et d’enseignant et j’ai pour objectif d’ouvrir un centre de santé avec des conseils en nutrition, du conditionnement physique, un dojo de karaté, un centre de masso-thérapie (vu que ma femme est massothérapeute)

RGSC : Nous aimerions que vous puissez formuler vous-même le mot de la fin de cette entrevue…

J’ai vécu des moments très difficiles, mais je n’ai jamais baissé les bras grâce à ma foi en Allah et ma passion pour le karaté. J’étais un peu perdu au début de mon parcours au Canada, mais par la suite, j’ai trouvé ma voie. En voulant faire comme tout le monde, je me suis menti. Je me suis redressé et j’ai trouvé mon chemin. J’ai établi des objectifs personnels et j’ai arrêté de vivre en fonction des attentes des autres. Le changement a été positif et je compte continuer dans la même direction.

Je suggère à la communauté sénégalaise, surtout aux jeunes, de se donner des objectifs réalistes en fonction de leurs aptitudes et de leurs passions. La notoriété de notre communauté va se faire sans nul doute avec l’imagination créatrice de notre jeunesse, mais non pas sans le sens de l’effort individuel et de la discipline collective.

Soyez solidaires et restez positifs.

RGSC : Encore un grand merci Gabriel d’avoir bien voulu participer à cette entrevue et d’avoir accepté de vous livrer ouvertement au profil de nos lecteurs sénégalais et sénégalophiles. Merci de nous avoir permis de vous connaître mieux.

Et... une petite surprise pour notre cher ami Gabriel, voici deux très belles photos prises lors du défilé de mode présenté par Mme Oumou Sy, le 16 avril 2005 à l'occasion de la grande Soirée de Gala. Ça se passe de commentaires!! :)







SOURCE: http://www.rgsc.ca/RGSC-EntrevueGabrielSylla.html



Gabriel  Sylla, '85
Gabriel Sylla, '85